Divrigli, douce escale alévie

Cela a été une véritable épopée de trouver cette ville.

Pourtant elle est grande. Aucune jonction facile, aucun panneau annonciateur, routes de poussière quasi-désertes, regards très dubitatifs quand nous indiquions que nous allions à Divrigli.

Notre surprise fut donc grande en arrivant.

En arpentant une jolie petite rue, pas de béton mais des belles maisons anciennes -arméniennes- conservées , pas une seule femme n'est voilée, pas de regard suspicieux sur nos deux carccasses lourdement chargées de sac à dos épais, pas d'exclusivité masculine dans la rue. Les femmes sont très belles. Vivantes et à l'aise.

Nous écarquillons les yeux de plaisir et de joie: nous nous croyons en Italie!

L'explication est très simple: nous sommes dans une ville alévie. Force est de constater qu'il n'y a rien à voir avec les autres villes et villages turcs musulmans.

Les alévis sont des croyants en Dieu créateur. La plus belle créature de DIeu , selon eux, c'est la personne humaine. C'est donc en veillant à être bon soi-même, et à protéger l'autre personne, que les alévis vivent leur foi. Ils sont profondément non-violents et respectueux de la nature (cela se voit d'ailleurs dans la ville, où pour une fois les détritus ne sont pas jetés n'importe où dans la nature). Ils suivent des rites très très anciens, mélant surement la tradition zoroastrienne ( le soleil est très présent dans les rituels), juive et chrétienne . Ils mettent volontiers à l'honneur des personnes qui s'opposent à la violence. Avec l'arrivée des sunnites en Turquie, les alévis ont choisi un profil bas et une filiation à Ali (qui s'est opposé aux premiers successeurs de Mohammet), sans renier finalement à leur rites.

Une pière commune a lieu le dimanche. Mais l'état turc l'interdit souvent. Un "dede" mène la prière. Des chants et des danses aident à entrer dans la prière. La danse bien connue des "derviches tourneurs " est typiquement une danse alévie. (d'ailleurs les sunnites ont aussi persécutés ces proches de Mevlana (groupe des derviche) ). Les alévis ont une grande tradition de poètes . Les poèsies sont mises en chansons voontiers aussi. Nous voyons à Diivrgili par exemple sur la porte d'un magazin un poème pour expliquer où le tenancier se trouve . Les poèsies sont ausi une très bonne réponse à toute la violence subie contre eux.

Sans cesse, jusqu'à ce jour, les alévis sont sous pression. Il eixiste hélas trop d'exemples parfois très récents:

- le pouvoir central sunnite a essayé de les assimiler, créant des dissidences au sein même des communautés alévies, en les joignant à l'islam sunnite (ce qui fait dire à notre site du ministère des affaires étrangères français que les alévis sont des musulmans... aberrant!! mais qui prouve que la technique est assez efficace.

-les massacres récurrents, même au XX° siècle ont pour but deles soumettre et de les disperser dans le territoire afin d'affaiblir leur tradition . Remarquez: si on les massacre, c'est bien qu''ils ne sont pas musummans... Cette terruer est efficace: massacre à Dersim en 1938, massacre à Maras en 1978, massacre à Sivas en 1983 dans lequel des responsables alévs sont brulés vifs dans un hôtel à Sivas (34 morts) pendant que certains personnes , sunnites, prient à l'extérieur devant les flammes... A Dersim,en 1938, des jeunes enfants sont épargnés, et envoyés loin, par 5, dans des villages de la région de Ankkara: à la charge des habitants de se les répartir.

-les injustices en tout genre: par exemple, les villages alévis ne sont pas reliés aux infrastructres de base ( route goudronnée, égouts, électricité...) . Le village alévi de Lucas par exemple n'a eu l'électricité que dans les années 1990 car les villageois alévis eux-mêmes l'ont installée. Ce genre de nuisance est identique pour les villages kurdes d'ailleurs. Les interdictions de pratiquer leur foi sont courantes. On force les alévis à faire le jeûne du ramadan dans certains lieux. On contruit des mosquées dans les villages alévis, pour montrer la puissance... même si les mosquées restent vides (hier on a même vu dans un village alévi que la mosquée servait pour leurs animaux et pour faire sécher les fruits!!).

Parfois, les alévis sont aussi kurdes. Alors là, double "problème" vis à vis de l'état nationalite turc.. Mais les Kurdes prennent les armes face à toutes ces frustrations. Les Alévis, comme les chrétiens avant, subissent ou partent à l'étranger quand ils y arrivent. Et ils puisent aussi leur force dans beaucoup d'humour. Les Alévis sont très joyeux.

Les Alévis ont beaucoup accueilli et sauvé d'Arméniens au début du XX° siècle. Les liens avec les chrétiens sont très proches et serréss depuis toujours.

Dans notre ville alévie de Divrigli, nous trouvons pour la première fois des magasins où nous pouvons acheter des livres! Les Alévis ont un très haut niveau d'éducation et cela se ressent dans cette ville. Les femmes parlent volontiers à égal avec les hommes , elles vont au café, et profitent aussi des terrases agréables du soir. Elles font tous les travaux qu'elles désirent. Nous avons même vu une femme chauffeur de bus, c'est impensable ailleurs!!!

Il faut venir à Divrgili pour comprendre toutes ces subtilités. Elles sont criantes , quand on sait qu'à quelques heures à peine de cette villes, les femmes sont cachées sous des voiles noires et opaques durant toute leur vie, qu'elles sont réfuites à l'ignorance .

On comprend mieux pourquoi cette ville ne fait l'objet d'aucune publicité touristique à l'échelle nationale, alors même qu'elle est admirabe à tout point de vue:

- des vieilles maisons bien conservées et entretenues,

-un batîment remarquable d'un prince musulman éclairé du XII siècle (classé à lUNESC0),

- une citadelle à la vue incroyable sur l'Euphrate,

- et un cadre de vie ressourçant.

C'est une injustice de plus à l'égard de la communauté alévie?

Nous quittons la ville à grand regret. Comme lorsque vous quittez Florence...